samedi 24 janvier 2009

49 - Frédéric Vignale m'interview en 20 questions

Le célèbre et contesté VIGNALE m'a posé vingt (19 en fait, du fait d'une erreur...) questions exquises à travers une de ses fameuses e-terviews dont il a le secret.

1. Bonjour RAPHAEL ZACHARIE DE IZARRA, je suis ravi de vous accueillir en carré VIP sur Le Mague. Ayez l’obligeance de vous présenter à nos lecteurs (pour les malheureux qui n’ont pas le bonheur de vous connaître). Habitez -vous toujours dans cette jolie province du Mans ?

Bonjour Maître. Effectivement, j’habite toujours dans cette verte région où poussent pommes à cidre et mauvaises herbes. Il y a bientôt trois ans, Le Mans fut passablement honoré de me compter parmi ses nouveaux habitants. Précisons qu’en esthète digne de ce nom je loge dans les hauteurs aristocratiques de la cité (la partie vieille de la ville : le "Vieux-Mans"), à l’ombre des tours gallo-romaines qui donnent aux remparts leur aspect... gallo-romain justement. La vitrine ne manque pas de prestige, ma foi !

Je dirais que le Vieux-Mans, pompeusement renommé "Cité Plantagenêt", est l’équivalent provincial des Champs-Elysées pour Paris.

Disons que j’habite les Champs-Elysées, ce sera plus simple.

2. Vous avez du style, vous aimez la langue comme personne et elle vous le rend bien, comment êtes-vous entré en littérature vous qui êtes désormais La Littérature ?

J’ai de de la plume, c’est peu dire. Cependant, qui vous dit que j’aime la langue ? Je la respecte avant tout, la sers du mieux que je peux. Je la crains et la courtise, la toise et l’encense. Avec froideur, hauteur, dédain. Parfois je me montre d’une mesquinerie inouïe envers cette très exigeante, très autoritaire et très belle maîtresse. C’est ma manière à moi de l’aimer. Je suis surtout à ses ordres : elle devant, moi derrière. Je suis entré en littérature par la porte étroite. Je ne connais qu’une vérité en littérature : le travail.

Je ne tolère que l’excellence chez moi, aussi suis-je tout naturellement devenu LA LITTERATURE. Il n’y a là aucun mystère. Ajoutons pour être honnête que mon âme est de fort belle qualité : mes rêves ont de l’éclat, mes aspirations de la noblesse, mes amours sont vertueuses. Bien évidemment le travail ne saurait suffire dans cette affaire, il faut d’abord partir d’une base solide. Le sous-entendu va de soi.

3. On peut lire plus de huit cents de vos textes (courts) sur Internet. Vous êtes très prolifique, doué et travailleur, d’où vous vient cette frénésie littéraire ?

Le besoin d’être admiré, reconnu, apprécié des beaux esprits, le besoin de briller en mondaine société comme en plus crapuleuse compagnie. J’aime les personnages. Des plus insipides aux plus éclatants. Je suis un humaniste accompli : selon moi les six milliards de personnes que compte notre Terre sont chacune un roman passionnant. Je suis d’autant plus prolifique, doué et travailleur que la littérature, quand on y réfléchit, c’est bien peu de chose. Mes textes, ça n’est que de la littérature. Autant dire, rien ou presque. Du vent (je vais revenir plus loin sur cette notion de vent, ambiguë). De la pure vanité. La vie est ailleurs en vérité. Toutefois, plus rarement la Littérature a une fonction salvatrice pour le lecteur. Les lettres peuvent faire office de béquille morale et sociale pour certains. Combien de sots ont été sauvés par la Littérature ? Aux indigents du coeur et de l’âme je professe l’ivresse littéraire. Je souhaite faire partie en tout cas des très rares auteurs qui ne sont pas vains. Si ma Littérature c’est du vent comme l’est en général toute littérature, j’espère au moins que le souffle ne contient pas que du vide, qu’il est d’essence plus divine que météorologique.

4. Vous le savez je considère que vous êtes un des internautes les plus doués de sa génération, comment expliquez-vous que Gallimard, Grasset et les autres ne se battent pas plus pour vous avoir dans leurs petits papiers ?

J’ai ma fierté d’auteur moi aussi. Au nom de quel petit dieu de l’édition devrais-je sacrifier mon amour-propre ? Pourquoi devrais-je me sentir obligé de m’abaisser devant des statues de plomb ? Mon talent d’auteur ne m’engage nullement à faire le singe savant devant les rois du cirque. Certains le font, ça les regarde. Le statut d’auteur ne permet pas toutes les licences, à mon sens. J’estime que ce sont les éditeurs qui devraient venir à moi, et non l’inverse.

Mon rôle est d’écrire, pas de courir après les éditeurs. Chacun son métier. Si les grands éditeurs parisiens ne me connaissent pas encore, cela prouve qu’ils sont de mauvais éditeurs. Leur travail devrait consister à aller dénicher l’oiseau rare là où il vit, et non à attendre que celui-ci vienne à eux à tire d’ailes. Je le répète, chacun son métier et j’ai mon amour-propre.

5. On pourrait vous croire anachronique mais ce serait une grave erreur, en fait vous parlez avec un style élégant et un peu suranné de la vie moderne et de ses drames. A ce propos j’ai lu un très beau texte "écologique" signé de votre (belle) plume...

L’anachronisme n’a rien de honteux. Détrompez-vous, je suis vraiment anachronique. C’est voulu. Je suis sensible à l’élégance, à la classe, à la courtoisie, aux nobles élans et aux petits vices mesquins. J’affectionne les atmosphères mélancoliques, désuètes, délicates et tristes. Vous auriez dû citer le titre de ce texte "écologique" que vous évoquez car je ne vois pas de quoi vous voulez parler... Il y a 508 textes actuellement sur mon site. Dés lors, la précision s’impose.

6. Vous avez un côté un peu dandy et on aimerait en savoir plus sur votre mode de vie... comment se passe une journée ordinaire de RAPHAEL ZACHARIE DE IZARRA ?

Je suis un authentique dandy. Modestement, je me lève aux aurores. Je porte canne, lorgnon, gants blancs et chapeau. Du moins en esprit, théoriquement. Un vrai dandy n’a pas besoin d’artifices pour s’affirmer comme tel, n’est-ce pas ? Aussi arboré-je avec morbidesse et hauteur quelque vague manteau rapiécé en guise de canne, lorgnon, gants blancs et chapeau. La qualité du tissu ayant finalement une moindre importance, le port seul compte. Il doit être dédaigneux, distingué et détaché à la fois. Une moue inébranlable signe définitivement ma hauteur. La moue aristocratique me sied à merveille.

7. Je crois savoir que vous avez quelque animosité envers ce cher Juan Asensio animateur du célèbre Blog du Stalker. Quel différend vous oppose à cet écrivain bien connu de la toile ?

Asensio est un bel esprit. Il est brillant, pénétrant, vif. Sa plume est dense, sérieuse, riche de citations, mais parfaitement dénuée de vie. C’est un universitaire érudit, un compilateur de savoir oiseux. Autant dire qu’il est atteint d’une maladie qui s’aggrave avec le temps. Asensio est utile aux purs intellectuels, il donne à leurs neurones en mal d’agitation stérile les contacts nécessaires à leur bien-être primaire. Asensio est un talentueux déclencheur de synapses. Avec lui les neurones doctement ébranlés sont voués au seul plaisir - mais quel plaisir ! - d’être mis en contact les uns avec les autres.

8. Si vous aviez un empire qu’en feriez-vous ?

Écoutez, je ne vais pas faire de littérature. Si j’avais un empire, j’en ferais un royaume. Mieux encore : une république. Les lettres y brilleraient d’un éclat... assez moyen. En effet, je mets en avant l’Homme. Je crois en la beauté (terme général désignant Vérité, Beauté avec un B majuscule, Bien, Progrès de l’Esprit, etc.). Et plus je crois en la beauté, moins je crois au mal.

9. Vous trouvez que le roman est un genre mineur, n’aurons-nous vraiment jamais le plaisir de vous lire sous cette forme-là ?

Je n’ai ni le souffle nécessaire ni l’esprit assez corrompu par les moeurs littéraires contemporaines pour écrire un roman. Jamais je n’accepterai d’être associé à la racaille de la plume qui amoncelle pavé sur pavé dans les librairies. L’inflation "littéraire" ôte nécessairement son prix au roman. Plus les illustres Tartempion écrivent, moins la Littérature est tirée vers le haut. Les éditeurs ont de plus en plus tendance à ratisser large. Nous vivons dans une société décomplexée où bien des trivialités sont devenues possibles. Ainsi n’importe quel faiseur de mots peut se targuer d’écrire du roman au kilomètre. Savez-vous qu’en France un livre paraît tous les quarts d’heure en moyenne, et ce tout au long de l’année ?

De rares poissons d’envergure surnagent héroïquement dans cette mer pleine de crevettes, poisseuse à souhait. Je n’écrirai pas de ces romans jetables qui polluent notre culture plébéienne. Je n’écrirai pas de roman, ou alors ce sera une oeuvre immortelle. L’infini ou rien du tout. Si je parle en belles lettres, c’est pour que le Ciel entende ma voix. Mais si je n’ai rien à dire aux anges, je la ferme définitivement jusqu’à la tombe. Ce que devraient faire la plupart des "romanciers" d’aujourd’hui.

10. Quels sont les auteurs contemporains qui ont vos faveurs littéraires ? Houellebecq vous touche t-il davantage qu’un Beigbeder, un Zeller ou un Moix ou bien vous ne lisez que les morts ?

Je suis fièrement inculte. Vierge de bien des influences mais non point sans avis. Je connais les titres et les têtes des écrivains actuels, mais guère plus. Rares sont ceux qui ont su me plaire avec leurs mots. Je possède une intuition étrange : je sais reconnaître un auteur de valeur sans ouvrir un seul de ses livres, juste en lisant sur ses traits. Car la Littérature transparaît sans fard sur la face des auteurs dignes de ce nom. Sur leur front, moi je la vois dans sa vérité. La Littérature ne m’échappe pas.

J’ai l’oeil pour ces choses. Et lorsque je vérifie les écrits de l’auteur ainsi sondé, je constate que je ne me trompe jamais. Celui qui parle en auteur mais qui n’a pas l’éclat de la Littérature entre les deux yeux, je le sais avant même de lire sa première page.

J’estime sans l’avoir lu que Houellebecq, s’il possède effectivement quelque plume (pour avoir survolé de très loin une ou deux de ses pages, je n’ignore pas de quoi je parle) manque singulièrement de hauteur ne serait-ce que parce qu’il a commis l’impudeur de montrer sa face aux caméras de télévision. Trivialité impardonnable pour un auteur digne de ce nom.

J’ai lu il y a quinze ans "Noces Barbares" de Quéffelec, et en ai gardé une saveur livresque délectable. J’éprouve une réelle estime pour cet authentique écrivain (comme l’est Gonzagues Saint-Brice) qui sait raconter les vies, les personnages. En outre il passe bien à la télévision, je lui pardonne donc.

Beigbeder que je n’ai jamais lu a des allures de dandy raté. Il s’est trop fourvoyé avec la jet-set pour être crédible aujourd’hui. Beigbeder, tout comme PPDA et les autres têtes "mercantilisées" par la boîte à abrutir, ne m’inspire aucunement le désir de lire ses productions. Certaines vulgarités heurtent définitivement ma sensibilité.

Je ne connais ni Zeller ni Moix.

A présent vous voulez en savoir plus sur mes goûts en littérature classique ? Ca tombe bien, ils sont tous morts, car effectivement j’ai une préférence pour ceux qui ont l’extrême pudeur de ne pas se dénuder devant les caméras. Pour inculte que je suis, également en ce qui concerne les classiques, je vais tout de même vous dire ce qui m’agrée et ce qui me désenchante. Mon avis sera assez limité, puisque mes lectures en ce domaine sont également limitées.

Le "Bateau ivre" de Rimbaud m’ennuie profondément. Homère également m’ennuie profondément avec son interminable et soporifique Odyssée... Lamartine, Musset, Vigny, et Nerval parfois, savent toucher mon coeur esthète, comme c’est d’ailleurs le cas pour la plupart de mes contemporains. Rien d’exceptionnel en cela. En tant qu’êtres humains ou simples lecteurs, nous sommes tous sensibles, sans exception. Là encore, rien d’extraordinaire dans le fait d’être touché par quelque auteur de choix. C’est bien pour cette raison que les grands auteurs sont de grands auteurs.

Hugo est à mes yeux un véritable génie qui domine toute la littérature française. Par sa simplicité, sa capacité à atteindre l’universel, il s’impose à moi (et à bien d’autres) comme un modèle. Proust sait m’ennuyer avec fruit. Et c’est un véritable plaisir que de rechercher ce délicieux ennui et de perdre mon temps en si bonne compagnie. Daudet père m’est particulièrement agréable, léger, poétique : il n’est pas prétentieux, comme peut l’être par exemple Sartre. Kafka est divinement fou et sa folie trouve en moi un certain écho. Maupassant est mon péché mignon : je le dévore comme un fruit suave absolument pas défendu. Balzac me pèse beaucoup : c’est un plat de résistance bien gras, bien trop consistant pour mon estomac délicat. Une sorte de boulet à traîner dans mon esprit.

Flaubert écrit très bien, il est parfait dans le mode "gueuloir". Baudelaire est diablement talentueux. Enfin un bon poète. Céline m’est parfaitement indigeste, non seulement dans le fond mais surtout dans la forme. Cette écriture haletante, hachée, m’est absolument insupportable. C’est du hachis Parmentier pour moi, un compost de mots et de ponctuations, de la véritable bouillie littéraire. Shakespeare est le roi dans son domaine, épique et pittoresque : c’est le prince du théâtre. Molière m’amuse, mais je n’en fais pas un César pour autant. Camus est anecdotique : un fétu de paille, presque une fumée dans la tempête de la littérature. J’ai dû en oublier quelques-uns.

Tous ces avis ne sont bien entendu que des avis personnels.

12. On sent un poète plein de verve dans vos syntagmes en vous cher Raphaël Zacharie de Izarra. Pourtant la Poésie, de nos jours, est ringardisée ou démodée.. quel est votre programme pour lui rendre enfin la place qu’elle mérite ?

Mon programme pour redonner à la poésie son éclat perdu est simple : une refonte des sensibilités par l’abandon brutal et définitif des niaiseries hollywoodiennes et de tous leurs produits dérivés. L’industrie cinématographique commerciale a occasionné des ravages sur l’inconscient collectif du monde entier (surtout depuis les trente dernières années).

Vulgarités, violences, pornographies sont devenues la norme. La Poésie ainsi écrasée par le rouleau compresseur américain est devenue plate comme une galette : les références poétiques chez le "consommateur filmique" moyen se rapportent à E.T., l’extraterrestre de Spielberg. Vertigineuse hérésie ! C’est ce que j’appelle la décadence culturelle. Il n’y a pas de mystère : il faut revenir aux classiques, réadapter les sensibilités émoussées par le vacarme hollywoodien aux délicatesses des siècles désuets. Je conseille en outre à tous les lecteurs de bonne volonté et de bonne foi de se convertir à la poésie izarrienne.

13. Vous êtes un des derniers polémistes, pamphlétaire, homme partisan, est-ce que cette liberté vous coûte cher dans cette société si procédurière et cul serrée ?

Étrangement j’ai toujours été épargné par les crachats guindés des "pontifiats" malmenés et par les vociférations de la gueusaille raillée. Il faut dire que mes contemporains ayant la plupart du temps accédé depuis leur plus jeune âge à l’état "vedelique" (souvenez-vous : "les français sont des veaux", clamait sans crainte de Gaulle), je peux exercer à leur encontre sans retenue ni contrainte mes foudres, à l’imparfait du subjonctif si possible.

14. Une chose est étrange dans votre parcours somme toute assez "classique" (sans que l’acception soit ici péjorative). Comment se fait-il que vous l’admirateur des siècles passés soyez un si parfait internaute à la pointe de la souris ? N’avez-vous jamais boycotté comme beaucoup de garçons de lettres cette nouvelle technologie qui éloigne de la plume et de l’encre...

Je continue de signer mes lettres d’amour (postales) et mes lettres d’injures à l’administration à l’authentique plume d’oie (le volatile est élevé chez mes parents) et à l’encre de Chine.

Mais dans le fond, plume d’oie ou clavier informatique, l’instrument d’écriture n’est jamais que la prothèse plus ou moins affinée de la main, laquelle traduit les mouvements du coeur et de la pensée. Encre de Chine ou octet, l’écriture est le prolongement visible de l’esprit. Quel que soit le support, le message seul importe. L’essentiel, n’est ce pas le mot ? Le parchemin n’étant que le flacon, qu’importe son aspect ! Et puis la machine à écrire n’était-elle pas à sa naissance considérée par les "puristes à la plume d’oie" comme un tas de ferraille sans âme ? La nouveauté effraie chaque époque. Aujourd’hui la machine à écrire fait figure de chaude plume comparée au froid traitement de texte informatique. La machine à écrire qui au début avait des allures de mécanique barbare auprès des écrivains "à la main" a pourtant gagné ses lettres de noblesse à l’ère de la haute technologie. Gageons que l’instrument informatique entrera à son tour dans la légende.

Cela dit, je comprends que l’on puisse préférer la plume d’oie, c’est profondément humain. Cependant le fait d’écrire au clavier informatique ne m’interdit nullement quand cela me chante d’aller écrire à la plume à la lueur de la chandelle... Il est quand même plus noble d’écrire à la plume, je ne le nie pas un instant. L’oeuvre littéraire dans son jet originel peut parfaitement être écrite à la plume. L’inspiration peut ainsi apparaître sous le "règne de la plume", dans les règles les plus pures de l’art.

L’oeuvre une fois enfantée avec les cérémonies classiques qui lui siéent, rien n’empêche ensuite de la recopier sur un ordinateur.

15. Vous êtes un érudit mangeur de livres et dévoreur de curiosité et pourtant vous citez peu ou alors seulement vous-même, c’est assez peu courant comme attitude dites-moi...

Détrompez-vous, je suis parfaitement inculte comme je vous l’ai déjà dit. Vous êtes victime d’une illusion, comme quoi même les plus beaux esprits peuvent se faire piéger par les plus grossières apparences...

Qui mieux que moi peut savoir que je suis un excellent auteur inculte ? Ma plume a ceci de particulier, qu’elle fait facilement croire que j’ai plein de connaissances livresques. Or je suis vide de ce côté-là. A quelques rares et lointaines exceptions près, je ne lis aucun livre digne de ce nom (je parle de littérature classique), je survole, picore, m’ennuie, saute cent pages avant de m’envoler bien vite vers mes sommets pleins de légèreté, trop las de lire les livres des autres, aussi académiques soient-il. Autrement dit, j’abandonne assez vite mes lectures afin d’écrire à mon tour.

Je suis une plume dans l’âme, aussi le moindre souffle me fait-il prendre de la hauteur. Lire me pèse. Écrire m’allège.

16. Il est plus agréable de dilapider son talent que de ne pas en avoir, c’est certain mais d’aucuns diront que vous n’êtes pas modeste. Que répondez-vous à cela ?

"Je ne suis pas modeste car je n’ai pas les moyens de l’être". C’est ce que je dis dans un de mes textes où je fais mon propre éloge. Pourquoi devrais-je me faire passer pour le modeste que je ne suis pas, alors que je suis né fier et hautain ? La suffisance est une grande qualité. C’est elle qui fait les seigneurs.

17. Quelle la pire des rumeurs qui circule sur vous ?

J’avoue supporter de moins en moins les railleries stériles émanant d’esprits ineptes et être de plus en plus sensible aux flatteries (que nul n’hésite à en faire grand usage car je ne suis pas humble dans ce genre d’affaire). Les flatteries, lorsqu’elles sont justifiées par une réelle admiration sont toujours les bienvenues. Les critiques sont reçues avec la même attention car elles me servent à améliorer mon écriture. Je les accepte et les écoute avec fruit et humilité lorsqu’elles proviennent de fins lettrés. J’insiste et le répète : uniquement lorsqu’elles émanent d’érudits avisés, d’esthètes avertis, de beaux esprits et non d’ignares, d’illettrés, du vulgaire. A la plèbe sottement railleuse que je viens de citer, je réserve une fausse rumeur destinée à lui faire honte.

La pire rumeur : je plagie. C’est donc moi-même qui répands cette rumeur afin de piéger mes nombreux détracteurs. Je les pousse à m’injurier, si possible publiquement, puis je leur fais éclater la vérité à la face. Ceux qui n’apprécient pas mes écrits (et c’est leur droit), je leur fais croire (et c’est également mon droit) qu’en raillant de la sorte ma plume ils raillent en fait les meilleurs auteurs classiques du panthéon littéraire (que je prétends avoir recopié purement et simplement en changeant simplement les noms propres).

J’attends alors qu’ils se mettent à encenser les prétendus écrits classiques que je dis avoir pillé mot pour mot et qu’ils traînaient dans la boue un instant plus tôt, et s’ils persistent malgré cela à railler mes prétendus plagiats, affirmant par exemple que je plagie mal, alors la rumeur agit. Je suis pris dans ma propre toile, piégé par mon orgueil. Heureusement ça ne dure pas longtemps : il faut bien se rendre à l’évidence, nulle part on ne trouve d’équivalent à ma plume.

18. Sur votre tombe, si par malheur vous nous quittiez un jour, que verrait-on à la pointe de l’épée ?

En cette terre repose celui par qui les muses s’exprimèrent de la plus belle des façons. Il fut leur porte-parole, le confident des anges, l’ami des astres. Il rêvait de chevauchées célestes, d’essor cosmique, poursuivant sans cesse les étoiles, épris des hauteurs incorrompues.

Et d’amour pur.

Il aimait la compagnie des femmes, chantant les vierges beautés, fut aimé de ses pires ennemies les laides, les acariâtres et les déflorées qu’il raillait sans remords.

Il fut proche de Vertu, fuyant vice, gueusaille, mollesse.

Il éprouva des passions charnelles pour des bonnes soeurs, des naïves fortunées, des servantes de sa maison qui lui en furent toutes reconnaissantes.

Il n’aimait pas les enfants, ni les chiens, ni les engrossées. Narcisse fut son frère d’arme. Harpagon son conseiller financier. La Camarde sa hantise pour laquelle il succomba finalement, cédant vers la fin de sa vie à ses avances, toujours en quête d’aventures inédites...

19. Quel est le bon mot que vous avez enfanté de votre plume dont vous tirez la plus grande satisfaction ?

Impossible de vous dire. Il y en a au moins cent et je ne les ai pas en tête. Tenez, prenez celle de la question 16 : "Je ne suis pas modeste car je n’ai pas les moyens de l’être". Celle-là je l’ai bien en tête et les 99 autres y sont incluses.

20. Par quoi voulez-vous terminer cette interview cher RAPHAEL ZACHARIE DE IZARRA ?

J’ai été ravi de répondre à vos questions. Je les ai trouvées intelligentes, drôles, spirituelles. Mais c’est l’heure de me concerter avec ma muse. Terminons sur ces mots pleins de promesses, voulez-vous ?

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